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Joyeuses retrouvailles

Sur leur route du lait, Colette Dahan et Emmanuel Mingasson ont revu Odbayar, en Mongolie.

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Nous avons quitté Oulan-Bator pour partir à la recherche d’Odbayar. Mais Khatgal n’est plus le village de notre souvenir. Comment la retrouver dans une ville dont l’étendue a été multipliée par quatre ? Dans notre livre figure bien sa photo, de profil malheureusement. Un profil mongol, c’est surtout une bonne joue, une fente pour l’œil et un nez minuscule. Tous les Mongols doivent se ressembler de profil. Pourtant, après maintes tentatives, enfin la chance nous sourit […]. Dans la cuisine où quelques personnes terminaient leur déjeuner, Odbayar a bondi de sa chaise. Je suis dans ses bras comme dans un oreiller moelleux. Emmanuel arrive, il y a de la place pour lui aussi.

En peu de temps, les douze années sont racontées : son mari, mort d’une maladie de cœur à 57 ans ; Zaya, leur fille unique, 25 ans maintenant, mariée, mère de trois enfants, qui vit à Oulan-Bator. Et puis elle et ses 49 ans désormais. Et les animaux ? L’hiver 2005 a décimé le troupeau. Sur 40 yacks, un seul est resté, « même pas le mâle ». Aujourd’hui, Odbayar possède 8 yacks et 18 haïnaks, croisement d’un yack avec une vache. Élevés pour la viande, ses 75 moutons et 30 chèvres sont pensionnaires permanents dans la famille de Djemaa, la nièce qui l’aide pendant la saison laitière. Heureusement, ses animaux ont été épargnés par le rude hiver 2009-2010 au cours duquel huit millions de bêtes ont péri.

La traite au seau en bois

Odbayar veut nous emmener chez elle maintenant, tout de suite. Dans la voiture, heureuse comme une enfant, elle rit, chantonne, répond à un téléphone qui sonne sans arrêt. Telle une reine dans son carrosse, elle salue gaiement de la main ses connaissances, étonnées de la voir en pareil équipage.

Nous aurions reconnu la baraque en bois et sa pièce unique. La lumière entre toujours par les planches disjointes, et le froid du soir par les vitres cassées. Dans le fond, les deux mêmes lits d’une place au sommier de fer se font face. Odbayar dort près de l’entrée, sur un sommier de robustes planches qui convient mieux à sa corpulence. Les toilettes sont à l’extérieur, loin de la maison, un trou derrière une barrière de bois […]. À l’heure de la traite, même seau en bois, même tabouret dont l’assise a disparu sans que cela paraisse gêner Odbayar, mêmes mains potelées marquées du lait qui les éclabousse et coule le long du seau, mêmes bracelet et bague d’argent qu’il y a douze ans et mêmes transformations laitières. À cela, les routes asphaltées, les maisons d’hôtes, les 4 x 4, les antennes paraboliques ou les motos klaxonnant pour pousser le troupeau n’ont rien changé.

Extrait du livre Voix lactées de Colette Dahan et Emmanuel Mingasson.www.unansurlaroutedulait.org

© E.M - Au-delà du temps et des frontières, filtrer et chauffer le lait, les préalables à toutes les transformations laitières. E.M

© E.M. - À l’heure de la traite sous la pluie.E.M.

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